SAINT CHRISTOPHE DE LYCIE (3ème siècle)

C’est le Christophe d’origine, né en Asie Mineure et dont le nom signifie « celui qui porte le Christ », que nous fêtons à Saint Christophe-sur-Guiers le 25 juillet (jour de sa fête depuis 1584) quand il tombe un dimanche (il s’agit alors d’une « année faste »), sinon le dimanche qui suit ; dans tous les cas le dernier dimanche de juillet.

Patron des voyageurs, patron d’une cinquantaine de communes françaises (sans compter les hameaux et les rues) et de nombreuses églises et chapelles, notre saint Christophe est vraiment très populaire !
Pourtant, on ne sait historiquement rien de certain sur sa vie à part le fait de son martyre sous Dèce (248-251) en Lycie (contrée montagneuse du Sud de l’Asie Mineure, aujourd’hui Turquie) car les informations le concernant proviennent d’une tradition lointaine qui remonte au moins au 5ème siècle et sont, de ce fait, considérées comme légendaires ; et, comme le souligne Omer Englebert « bien des légendes (…) contiennent un fond de vérité ».
En effet, dès le 5ème siècle, on bâtit des églises en son honneur en Orient, puis son culte passe en Occident (1)
Pour les Grecs, c’est un ancien cannibale ; pour les Latins, un géant de 12 coudées (plus de 5,5 m !) qui, quand il sortait, prenait un arbre en guise de bâton.
On peut penser que cette haute stature lui a été conférée pour qu’il soit vu de loin puisqu’on croyait qu’il suffisait de regarder l’image de Saint Christophe (2) pour être à l’abri des maladies, des infirmités et de la mort subite, d’où ces vers :

Christophore sancte, virtutes saut tibi tantae,
Qui te mane vident, nocturno tempore rident.
Christophore sancte, speciem qui eumque tuetur,
Ista nempe die non morte mala morietur.
Christophorum videas, postea tutus eas.


que l’on peut traduire ainsi :

« Saint Christophe, tes vertus sont si grandes que quiconque te voit le matin est joyeux quand la nuit tombe.
Saint Christophe, qui voit ton portrait est assuré de ne pas mourir ce jour-là de malemort (3)
Regarde Saint Christophe, puis va-t-en rassuré. »

Au cours des siècles, saint Christophe multiplie les patronages (4) jusqu’au début du 20ème siècle où il devient patron des automobilistes ; par suite et par exemple, il devient patron de la paroisse Saint Christophe de Javel à Paris (5).
Quand, en Allemagne, au 15ème siècle, on s’avisa qu’il y avait au ciel des saints qui méritaient d’avoir deux fêtes dans l’année tant leurs compétences et leur bonté étaient grandes, on dénombra quatorze saints auxiliaires ou auxiliateurs
fêtés collectivement le 8 août (fête supprimée en 1969) ; saint Christophe faisait, bien justement, partie du lot (6) !
Pourquoi est-il devenu patron des automobilistes ? Parce qu’il est à la fois patron des voyageurs et invoqué contre la mort subite.
Michel Braudeau, dans le journal Le Monde du 25 juillet 2004, explique plaisamment l’ajout de ce patronage à celui des voyageurs :
« (…) Christophe conserva un prestige intact auprès des pèlerins et des voyageurs, une dévotion discrète qui lui permit d’attendre jusqu’au 20ème siècle, où l’invention de l’automobile lui fournit l’occasion d’un come-back foudroyant. L’automobile, instrument de voyage par excellence et grande pourvoyeuse en morts subites, adopta immédiatement Christophe comme saint protecteur »
En réalité, prémices de ce « come-back foudroyant, on constate une renaissance de la dévotion à Saint Christophe au 19ème siècle :
- en 1866, un prêtre italien d’Urbanie, ému de voir fléaux, maladies épidémiques, accidents continuer à s’abattre sur les familles malgré les progrès de la science, répandit par milliers des images protectrices de Saint Christophe en Italie et en France. 
- un cantique de 1891 évoque et invoque le saint protecteur du voyageur.

Son « histoire » est célèbre ; elle a donné lieu à d’innombrables représentations (statues, médaillons, porte-clés) de Christophe portant Jésus sur l’épaule et, gourdin à la main, lui faisant passer le cours d’eau.

 N’étant pas homme à servir le premier venu, il s’était loué comme garde du corps d’un grand empereur. Il le quitta, l’ayant vu se signer quand on prononçait le nom du démon. « Le démon est plus fort que toi ? lui dit-il. Alors, au revoir ! C’est lui que je veux servir ». Il quitta le démon s’étant aperçu que celui-ci tremblait à la vue d’une croix. « Le Crucifié est plus fort que toi ? Alors, adieu ! C’est à Lui que je vais offrir mes services ».
Un saint ermite (7) le renseigna sur ce point. « Il te faudra jeûner, mon fils. – Impossible, mon Père, avec un appétit comme le mien. – Prier. – Mais en attendant que je sache mes prières ?… - Aider ton prochain : connais-tu tel fleuve où bien des passants sont en péril de perdre la vie ? comme tu as une haute stature et que tu es fort robuste, si tu restais auprès de ce fleuve, et si tu passais tous ceux qui surviennent, tu ferais quelque chose de très agréable au roi Jésus-Christ que tu désires servir, et j’espère qu’il se manifesterait à toi en ce lieu. – Oui, je puis bien remplir cet office, et je promets que je m’en acquitterai pour lui. ».
Ainsi, Christophe s’établit passeur d’eau. Il faisait payer les riches ; les pauvres, il les passait gratis, pour l’amour du Christ. Une nuit, il fut hélé par un enfant. Il eut mille peines à le hisser sur son épaule, et il pensa ne jamais atteindre l’autre rive. « Mais qui es-tu, mon enfant ? dit-il en y arrivant ; tu es aussi lourd que le monde. – Tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ, ton roi auquel tu as rendu service et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre et, le matin, tu verras qu’il a fleuri et porté des fruits » répondit Jésus.
Christophe vint ensuite à Samos, ville de Lycie, où il allait connaître le martyre après moult péripéties qu’évoque Saint Ambroise de Milan, l’un des quatre grands Pères et Docteurs de l’Eglise latine, dans la préface qu’il lui a consacrée. (8).


Aujourd’hui, en France, on dénombre une cinquantaine de cultes actifs ; un seul dans les Alpes à Saint Christophe sur Guiers (38380) dans le Parc Naturel Régional de Chartreuse.
En général, sauf rares cas de vénération de reliques (9), le culte intègre une bénédiction des voitures. A Saint Christophe sur Guiers : bénédiction des voitures d’hier (rassemblement de voitures anciennes) et d’aujourd’hui ; bénédiction des voyageurs par tout moyen de locomotion.
Des millions d’automobiles ont une représentation de saint Christophe (porte-clés, médaille, image) à leur bord ; certains l’ignorent ; d’autres, se contentent, comme au Moyen Age, de la regarder ; « ils devraient en outre, pour plus de sûreté, dire un Pater de temps en temps, quand ils conduisent » comme leur suggère avec humour Omer Englebert … ou relire la prière de bénédiction inscrite au dos de l’image de « notre » saint (10) remise à chaque équipage !

1. une église en Asie Mineure lui est dédiée en 452 par l’évêque Eulalius – un monastère Saint-Christophe est mentionné en Bithynie (N.O. de l’Asie Mineure, aujourd’hui Turquie, sur le Bosphore) au concile de Constantinople en 536 – un autre monastère Saint-Christophe est mentionné plus tard en Sicile.
2. saint Christophe est souvent représenté avec des proportions gigantesques (extérieur de la cathédrale d’Amiens, statue dans l’église de Saint Christophe dans le Jura, fresque de saint Christophe du début du 16ème siècle dans la montée de l’église à Saint Sorlin en Bugey dans l’Ain)
3. la « malemort », la mort subite, tragique, cruelle (qui, affirme-t-on alors, vaut l’enfer à ceux qu’elle frappe en état de péché).
4. patron aussi des arbalétriers, des portefaix, des forts de la halle, des foulons, des fruitiers, Christophe est invoqué contre la mort subite mais aussi les orages, la grêle, les maux de dent et l’impénitence finale !
5. « parce que le quartier de Javel est essentiellement marqué par l’industrie des transports (…) surtout automobiles après 1914 et l’installation de Citroën »
6. ces saints particulièrement secourables (auxilium, secours) étaient fêtés ensemble le 8 août en plus de leur propre jour de fête : Acace (22 juin), Blaise (3 février), Catherine d’Alexandrie (25 novembre), Christophe (25 juillet), Cyriaque (8 août), Denis de Paris (9 octobre), Erasme (2 juin), Eustache (20 septembre), Georges (23 avril),
Gilles (1er septembre), Marguerite (20 juillet), Pantaléon (27 juillet), Vit (15 juin) ».
7. avant de rencontrer ce saint ermite et de s’appeler Christophe, son nom était « Réprouvé ».
8. Préface de saint Ambroise (340-397) d’abord gouverneur des provinces Emilia-Liguria avant d’être élu évêque de Milan : « Vous avez élevé, Seigneur, saint Christophe, à un tel degré de vertu et vous avez donné une telle grâce à sa parole que, par lui, vous avez arraché à l’erreur de la gentilité pour les amener à la croyance chrétienne
quarante-huit mille hommes.
Nicée et Aquilinie qui, depuis longtemps, se livraient publiquement à la prostitution, il les porta à prendre des habitudes de chasteté et leur enseigna à recevoir la couronne.
Bien que lié sur un banc de fer au milieu d’un bûcher ardent, il ne redouta pas d’être brûlé par ce feu et, pendant une journée entière, il ne put être percé par les flèches de toute une soldatesque. Il y a plus : une de ces flèches crève l’œil d’un des bourreaux et le sang du bienheureux martyr mêlé à la terre lui rend la vue et, en enlevant l’aveuglement du corps, éclaire son esprit car il obtint sa grâce auprès de vous et il vous a prié avec supplication d’éloigner les maladies et les infirmités. »
9. au 9ème siècle, les reliques de Saint-Christophe sont signalées à Cordoue. En France, à
Wasquehal dans le Nord, l’église Saint-Nicolas abrite un reliquaire de Saint-Christophe : un fémur, un os de jambe et un parchemin d’authentification ; dans la Somme, un culte est rendu à des reliques.
10.statue en bois sculptée par A. Gontard en 1938 et acquise dans les années 60 par le
Père Philippe Frenay alors curé de la paroisse.

 Les bienheureux et saints du calendrier


Christophe a toujours été un prénom très porté ; il n’est donc pas étonnant que « notre » saint Christophe de Lycie ait fait des émules comme en témoigne cette liste de saints et bienheureux dans l’ordre de leur apparition au calendrier :

- Christophe de Milan, dominicain, mort en 1484 : fête le 1er mars
- Christophe Bales, martyr à Londres en 1590 : fête le 4 mars
- Christophe Macasolli, franciscain mort près de Milan en 1485 : fête le 11 mars
- Christophe de Saint-Sabas, moine au Monastère Mar Saba (martyr en 797) : fête le 14 avril
- Christophe de Nicomédie (compagnon de saint Georges), martyr en 303 : fête le 20 et 24 avril
- Christophe Robinson, martyr en Grande Bretagne en 1597 : fête le 4 mai
- Christophe Wharton, martyr en Grande Bretagne en 1600 : fête le 4 mai
- Christophe d’Antioche martyr aux 3ème siècle à Antioche : fête le 9 mai
- Christophe de Magallanès, prêtre martyr au Mexique en 1927 : fête le 21 mai (1)

Christophe de Lycie, martyr en Lycie (Turquie) vers 250 : fête le 25 juillet (2)

- Christophe de Goury, saint orthodoxe : fête le 16 août
- Christophe de Cordoue (martyr en 852) : fête le 21 août (3)
- Christophe de Palestine ou le Romain, moine mort au 6ème siècle : fête le 30 août
- Christophe de Guardia, martyr en 1490 près de Tolède : fête le 25 septembre
- Christophe Buxton, martyr en 1588 à Cantorbéry : fête le 1er octobre
- Christophe de Cahors, franciscain, mort en 1272 : fête le 31 octobre
- Christophe, chevalier portugais, martyr à Ceylan en 1500 : fête le 12 novembre

(1) saint du 20ème siècle,
missionnaire chez les autochtones Huicholes, martyr avec un groupe de laïcs et de prêtres, saint Christophe de Magallanès s’est employé à promouvoir la dignité humaine et la foi chrétienne. Il a fait connaître le Rosaire et s’est consacré à la formation et au soutien des prêtres.
(2) « notre » saint Christophe ne figure plus sur beaucoup de calendriers car, le même jour, on fête aussi saint Jacques le Majeur qui lui vole la vedette le plus souvent.
(3) c’est ce saint Christophe-là qui apparaît en général au calendrier

 SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES


• « Légende Dorée » - tome 2 - Jacques de Voragine (traduction abbé Roze) - 1902
• « La Fleur des Saints » - Omer Englebert – Albin Michel (5ème édition : 1984)
• « Dix Mille Saints – Dictionnaire hagiographique » - Brepols (6ème édition : 1991)
• « Dictionnaire des Saints » - Georges Daix – JC Lattès (1996)
• Travaux de thèse de Sylvie Friedman – 2002
• Encyclopédie Wikipédia (article sur saint Christophe)
• Site internet Nominis (http://www.nominis.cef.fr)
• Site internet de la paroisse Saint Christophe de Javel (http://www.scjavel.net)
• Site internet de Wasquehal (
http://www.ville-wasquehal.fr



« Pluie violente à la saint Christophe peut mener à catastrophe »



juin 2010

  DIVERSES REPRÉSENTATIONS DE SAINT-CHRISTOPHE

 
Statue de Saint Christophe
Eglise de Saint Christophe sur Guiers



Saint Christophe, fin XVe - début XVIe,
huile sur bois (chêne)


Peinture XVème s
Priorale N.D. de Cunault (49)


Statue - Eglise St. Christophe de
Chissey sur Loue (39)


Saint Christophe (XVIIe siècle).

 
Volterra en toscane 


Tableau dont le peintre et l'époque sont inconnus
(choeur de l'église de Saint Christophe sur Guiers)  

 
Saint Christophe

 

 

 

Hans Memling – 1484
Musée Groeninge à Bruges
Panneau central du triptyque Moreel (saint Christophe est entouré
de saint Maur à sa droite et saint Gilles à sa gauche)

 


Monument dédié à Saint Christophe
situé à Lanchères près de
Saint Valéry sur Somme

 
Fresque de St Christophe
située sur les rives du lac BOHINJ
en Slovénie

Villa Borghese
Rome 

 

WEIMAR (Thuringe)

Paroisse Sankt Christophorus de Weimar, une magnifique fresque de Saint Christophe située dans l'ancienne nef datée de 1370.

 

Salisbury
Cathedral St Christopher
Cathédrale St Christophe

 
Hannover Stöcken Kirche Christophorus
Hanovre Paroisse St Christophe

Détail de la façade

 

Rome
Eglise San Clemente 

Détail de la fresque de Masaccio
1420